L’histoire du Maquis des Cévennes


Vue sur une falaise rocheuse surplombant les collines et les vallées densément boisées des Cévennes

Récemment, une région montagneuse peu connue du sud de la France a fait la une des journaux. Le Parc National des Cévennes étant le théâtre d’un double meurtre. Une immense chasse à l’homme a ensuite été lancée pour retrouver Valentin Marcone, l’homme de 29 ans soupçonné d’avoir tiré sur son patron et un collègue dans une scierie du petit village des Plantiers. Le Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et plus de 300 gendarmes ont participé aux recherches, utilisant des caméras thermiques, des chiens, des hélicoptères et même plusieurs véhicules blindés. Avant de se rendre, Marcone, vêtu d’un treillis vert et d’une veste de camouflage, a échappé à la capture pendant quatre jours entiers. Cela ne surprendra personne, même un peu familiarisé avec l’histoire et la géographie de la région. Marcone, tout comme les maquisards – résistants armés de la Seconde Guerre mondiale – ont profité de la végétation abondante et de l’isolement accidenté de la région. Cet épisode tragique est pourtant un renversement de la moralité que l’on attribue habituellement au chasseur et au chassé. Les méchants de l’histoire, dans l’ensemble, sont plus susceptibles de chasser.

De l’autre côté des Cévennes, un monde souterrain fait d’antres et de cachettes. Une aide à la formation de résistance aux envahisseurs oppressifs. Aucune bande d’assassins en maraude – qu’il s’agisse de soldats du Roi-Soleil (Louis XIV) ou de Stormtroopers allemands déchaînés – n’a jamais eu sa propre voie. Tout se passe comme si la topographie de la région engendrait un esprit de rébellion. Celui que le Maquis, combattant les troupes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale, a hérité du 18e siècle Camisards qui se sont battus contre l’armée du roi pour leurs croyances protestantes. L’insurrection a captivé l’imagination de Robert Louis Stevenson et est un thème majeur de Voyages avec un âne dans les Cévennes.

Difficile de ne pas avoir une image romancée du Maquis sur une colline solitaire, la chaleur du cognac dans le sang, chantant la rébellion en acte. La riche tradition de résistance des Cévennes est explicitement mise à contribution par des hommes comme Jacques Poujol, un maquisard qui compose le 10 mai 1944 la chansonnette suivante :

Les fiers enfants des Cévennes
Réfractaires et maquisards
Montrent qu’ils ont dans les veines
le sang pur des camisards

Les braves enfants des Cévennes
Objecteurs et maquisards
Montrer ce qu’ils ont dans les veines
Le sang pur des camisards

Mandagout à mon gout !

Je me suis intéressé à l’histoire cévenol après l’installation de ma belle-famille à Mandagout il y a quelques années. La première fois que nous sommes venus séjourner, nous avons emprunté une route escarpée et sinueuse depuis Le Vigan (la sous-préfecture du Gard), nous menant à travers des bois de châtaigniers et de pins. Maisons perchées à flanc de colline en grappes, couvertes d’une terre cuite rosée omniprésente, une tuile dont la forme et la couleur ont résisté à l’épreuve du temps, inchangées depuis le Moyen Âge. Nous avons roulé jusqu’à ce que, comme si nous tombions dans une vallée secrète, le village principal de la commune de Mandagout soit soudainement dévoilé.

Beaulieu se situe à 500 mètres d’altitude et possède sa propre école, un temple, une église catholique, une place de village. Entouré de bois vallonnés, le village offre un cadre idyllique. Béni par sa topologie (pentes ensoleillées), Mandagout à mon goutte. De grands bosquets de châtaigneraies entourent de mini vergers de pommiers, poiriers, cerisiers et même coings. le chef d’oeuvre de Christina Rosetti, Marché gobelin vient à l’esprit. ‘Venez acheter. Venez acheter‘, crient les gobelins, attirant les gens avec une liste apparemment interminable de fruits du verger. Sans oublier la nourriture gratuite de la nature, les fraises des bois et les figues de Mandagout avec lesquelles vous pouvez aussi ‘remplis ta bouche.’

Temps et loisirs

L’homme, cependant, ne peut pas vivre uniquement de fruits, surtout en hiver. Heureusement, il y a un magasin de village, qui fait triplement office de café et de bureau de poste, diminuant ainsi les inconvénients de l’éloignement rural. Je comprends pourquoi les beaux-parents ont haussé les bâtons et ont déménagé ici de Montpellier, à seulement cinquante kilomètres de distance mais tellement plus loin en termes de rythme de vie général. Il y a peu de prospérité conventionnelle dans le village, mais j’en suis venu à l’associer au double luxe du temps et des loisirs. A l’ombre de l’église se trouve la place du village, instantanément transformable en boulodrome du village. De généreux coups de pastis détendent l’humeur des joueurs qui n’en restent pas moins compétitifs, des mètre ruban toujours à portée de main pour régler les éventuelles distances disputées entre le valet et la boule. A l’ombre d’un grand tilleul, les spectateurs se rassemblent pour bavarder sans bruit. Au bord de la place du village, l’eau de source s’écoule sans interruption dans un bassin de pierre, et c’est ici que se trouvent à vélo des sexagénaires vêtus de lycra qui, après avoir parcouru les collines environnantes pendant une grande partie de la journée, gravitent. Afin d’étancher leur soif d’étrangers peuvent rafraîchir et réhydrater les corps à volonté. Dans un tel havre de tranquillité, il est facile d’oublier que Mandagout a connu des temps considérablement plus sombres.

Conflit et camisards

En 1702, Mandagout était considéré comme un village suspect dont les habitants étaient potentiellement « déloyaux » envers le catholicisme et la loi royale. Pour dissuader les rebelles potentiels, une cinquantaine de soldats y sont postés par Le compte de Broglie, lieutenant général de l’armée du roi. Leur travail consistait également à imposer les conversions à la vraie foi. Pas étonnant que les dragonnades aient été considérées par les protestants comme l’œuvre de l’armée de Satan incarnée. Pour certaines personnes de la ville voisine d’Aulas, les conflits d’intérêts étaient considérables. La laine de mouton des Causses confectionnée dans le tissu de laine utilisé pour habiller l’armée royale. Une quarantaine d’années après le soulèvement des Camisards, la soie remplace la laine. Moutons usurpés par un papillon de nuit.

Les soldats du roi ont été envoyés en démonstration de force, mais n’ont pas pu empêcher Abric, dit Fidel, de sortir des collines de Mandagout pour faire des ravages parmi les éminents catholiques du Vigan. Il s’est associé à Jean Delenne de Roquedur, un homme qui ne rôdait jamais sans un fusil en bandoulière et au moins six pistolets à la ceinture. Les deux hommes menèrent une troupe pas si joyeuse de Camisards, brûlant des églises et tuant M. Daudé de La Coste, Maire et Juge Royal du Vigan. Jacques Daudé avait été le bras droit de Basville, responsable de la conversion des protestants du Vigan. Le 4 juin 1704, il est assassiné près du Vieux Pont. Son fils, Jean Daudé lui succède à la mairie du Vigan.

Le Maquis

Dans chaque mairie est accrochée une photo du président français ; une exigence légale et une sorte d’obligation morale pour ceux qui vénèrent la notion d’une république élue. La mairie de Mandagout ne fait pas exception. Mais avec la photographie du président, il y a un élément plus inhabituel – un drapeau du maquis, effiloché et défraîchi, d’une croix de Lorraine jaune sur fond noir. Il appartenait à un ancien maquisard qui l’a donné à la Mairie peu avant sa mort. A côté du drapeau, sur le mur de la salle de conseil, sont des photographies des hommes qui composaient le Maquis Corsaire. Il y a aussi une photo de leur refuge, une bergerie isolée étouffée pendant les mois d’été par des bosquets de châtaigniers. La route du col de Luzette n’était pas encore construite. Le secrétaire du maire m’a raconté que son père, tout jeune, avait gravi la colline jusqu’à la Bergerie de Toureille, avec des provisions de vivres. En hiver, les forêts de châtaigniers ont un aspect sombre et carbonisé, offrant moins de couverture.

Une plaque, devant la mairie, évoque cette période tumultueuse de l’histoire de France : Le Maquis des Corsaires a été créé à Mandagout le 28 juillet 1943 par le Pasteur George GILLIER (Lt Gervais).

Gillier semble avoir été une force à multiples facettes pour le bien. En janvier 1944, il place la famille juive Furst avec leurs deux enfants, âgés de 5 et 9 mois, dans la maison de Marguerite Creston. C’était à La Planque, hameau de la commune de Mandagout qui surplombe un ruisseau de montagne, agréable antidote à la chaleur étouffante de l’été.

Avec la complicité du patron de la Caisse d’Epargne du Vigan, George Gillier a utilisé un faux cachet de Mairie (Nîmes) pour fabriquer de faux papiers d’identité. Il a ainsi permis à des jeunes gens d’échapper à ce qu’on a appelé le Service du travail obligatoire (STO), l’enrôlement et la déportation obligatoires des travailleurs français vers l’Allemagne nazie. Le premier ministre Pierre Laval avait donné son accord au STO, soi-disant pour obtenir la libération des prisonniers de guerre français. Beaucoup se sont enfuis pour rejoindre le Maquis, un nom qui dérive de la macchia italienne ; les hauteurs de Corse couvertes d’arbustes persistants denses comme le chêne vert. Pour toute tenue de guérilla, cela équivaut à un camouflage toute l’année. Prendre le Maquis est une expression corse, l’île n’ayant pas manqué de rebelles dans les collines.

Patrick Cabanel, professeur d’histoire à l’université de Toulouse et historien renommé des minorités religieuses, a beaucoup écrit sur les Cévennes. Dans Que sais-je ? Histoire des Cévennes, il implique de façon intrigante un élément de libre pensée dans la psyché cévenol, comme un gène de liberté transmis de génération en génération. Il y avait toujours un peu moins de clergé dans les paroisses cévenoles qu’ailleurs en France. À partir du XVe siècle, les paroissiens laissent, dans leurs testaments, plus d’argent (77 %) aux œuvres caritatives qu’à la paroisse. Ailleurs en France, le pourcentage était de 29. Du XVe siècle à 1530, l’importance de la Vierge Marie s’estompe ainsi que le concept de la Cour Céleste.

Une prédisposition culturelle à la résistance mériterait une considération plus sérieuse. Ironiquement, Claude Lévi-Strauss, à bien des égards le père de l’anthropologie moderne, n’était pas étranger à la région. Ses parents avaient une maison de vacances à Valleraugue, mais, en tant que juifs, ont été contraints de fuir en 1943. Le triste épisode raconté par Janet Teissier du Cros dans son excellent mémoire Loyautés divisées, Les expériences d’une Écossaise en France occupée.

Bill Rees est un écrivain/libraire avec une librairie à ciel ouvert dans le centre de Montpellier (L’esplanade Charles-de-Gaulle). Ouvert le samedi, si le temps le permet.

Son livre A Late Return: Table Tennis à la carte publié par Parthian (revu ici) est disponible sur Amazon et dans les librairies en ligne, les librairies (sur commande) et sa propre librairie…



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