Les madrassas font revivre «l’âge d’or» à Fès au Maroc


Mouad Souief est très fier de vivre dans la madrassa Bou Inania, une école coranique récemment rénovée au cœur de la vieille ville médiévale de Fès, l’ancienne capitale du Royaume du Maroc.

L’étudiant de 25 ans se sent « héritier de l’histoire prestigieuse » de cette madrassa fondée au XIVe siècle, réhabilitée depuis 2017 et qui a renoué avec sa tradition séculaire d’un islam du « juste milieu ».

Bou Inania, du nom du sultan de la dynastie mérinide Abu Inan Faris (1329-1358), est la madrasa la plus célèbre de Fès, dépositaire de la civilisation arabo-andalouse, où les étudiants pouvaient à la fois séjourner et étudier.

Mouad occupe l’une des 40 chambres d’étudiants de l’école située dans l’enceinte de la vénérable université Al-Qaraouiyine.

La plus ancienne du monde selon certains historiens – construite en 859, sous la dynastie des Idrissides – elle abrite cinq autres madrasa, récemment restaurées dans le cadre d’un programme de sauvegarde des sites historiques de Fès délaissés ou menacés de ruine.

Les étudiants partagent ce patrimoine avec les touristes qui découvrent les patios à ciel ouvert, les fontaines et les murs colorés de mosaïques.

Ce site témoigne de « l’âge d’or » de Fès, redevenue la capitale du royaume sous la dynastie des Marinides, qui régna du XIIIe au XVe siècle, contrôlant épisodiquement d’autres parties du Maghreb et de la péninsule ibérique, après éclipsée par Marrakech pendant trois siècles.

Lieu de connaissance

La Médersa Bou Inania est située près de Bab Boujloud, une des portes de la Vieille Ville.

C’est l’une des premières étapes d’un circuit touristique, qui comprend deux autres écoles de renom, Cherratine et Attarine, également restaurées.

 » Spirituelle et authentique ! C’est ce que me disent souvent les touristes qui visitent Fès « , a déclaré à l’AFP la guide Sabah Alaoui, alors qu’elle faisait visiter le Bou Inania à deux touristes espagnols.

Les visiteurs sont fascinés par les versets du Coran et les poèmes arabes peints sur les zelliges, les carreaux marocains.

On peut y lire un verset qui parle pour l’école : « Je suis un lieu de savoir, soyez les bienvenus », explique Lhaj Moussa Aouni, professeur d’histoire et d’archéologie islamiques à l’université de Fès.

« Ces écoles étaient des annexes de la grande université Al-Qaraouiyine », a-t-il dit. Aouni. « En plus des sciences islamiques et de la littérature arabe, ils ont étudié les mathématiques, la médecine, la mécanique et la musique.

En sortant de la madrassa Boua Inania, au bout d’une allée bordée de boutiques d’artisanat, se dresse la mosquée Al-Quaraouiyine, qui remonte au développement de Fès au IXe siècle, indissociable de l’université.

« Un modèle d’islam ouvert »

« Tous les savants qui ont compté dans l’Occident islamique sont passés par Al Quaraouiyine », souligne le professeur Aouni.

Averroès, Ibn Khaldoun… Mais elle attire aussi des étudiants européens comme le Français Gerbert d’Aurillac, mathématicien et mécanicien, futur pape Sylvestre II, pape de l’an 1000 (999-1003).

C’était l’époque où brillaient les villes de Fès, Marrakech, Tlemcen et Oran (Algérie), Kairouan (Tunisie) et les royaumes musulmans d’Andalousie.

L’université conserve des traces d’érudits et de philosophes dans sa bibliothèque fondée au XIVe siècle et qui contient environ 4.000 manuscrits « parmi les plus anciens du monde islamique », précise son conservateur Abdelfattah Boukchouf.

La quiétude de la salle de lecture – agrandie au XXe siècle par le roi Mohammed V – contraste avec le brouhaha incessant des artisans du quartier.

Parmi ses trésors conservés dans une salle spéciale, un manuscrit de médecine du XIIe siècle d’Ibn Tofail et un exemplaire du « Kitab al-ibar », le « Livre des Exemples » de l’historien-philosophe tunisien Ibn Khaldun (1332-1406) , qu’il a lui-même donné à la bibliothèque.

Modernisé, il s’est doté d’un laboratoire « pour restaurer les parties endommagées et prolonger la durée de vie des manuscrits », précise son directeur, Sabah El Bazi.

La réhabilitation des madrassas de Fès s’inscrit également dans les efforts du Maroc pour promouvoir une éducation religieuse « du juste milieu » pour répondre aux courants extrémistes islamistes.

Ainsi, parallèlement à la restauration, un nouveau cursus de cinq ans a été lancé à l’Université d’Al-Qaraouiyine qui débouche sur un diplôme d’études supérieures en sciences islamiques. Il est ouvert aux diplômés après un concours et une épreuve de mémorisation du Coran.

« Nous étudions les différentes sciences islamiques, les religions comparées, les langues française, anglaise et hébraïque, tout ce qui peut nous permettre de nous ouvrir à d’autres cultures », explique l’étudiant Mouad dans sa petite chambre qu’il « préfère à sa maison ».

« Nous devons être un exemple d’islam tolérant et à la hauteur des grands savants qui sont passés par ici », plaide-t-il.

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