Critique : Un examen d’une relation provisoire entre deux hommes vieillissants
L’entre-deux de Christos Tsiolkas. Photo / Fourni
Allons droit au but : L’entre-deux, de l’écrivain australien Christos Tsiolkas, comprend des descriptions très intenses de relations sexuelles brutales entre hommes. Cela ne devrait pas être une surprise. En tant qu’écrivain gay de premier plan, il a écrit
des livres des 20 dernières années qui ont toujours été explicites. Mais à l’âge de 58 ans, il pourrait peut-être envisager de revenir en arrière. Il a fait valoir son point de vue.
Outre le sexe, une technique familière à Tsiolkas est un récit présenté à travers un prisme de perspectives. Son roman de 2007, La giffle, centré autour d’un barbecue à Melbourne, était un classique dans lequel huit personnages construisaient un scénario multidimensionnel avec beaucoup d’effet. Ce fut un énorme succès critique et commercial.
L’entre-deux propose un casting plus serré, divisé en deux récits alternés mettant en vedette deux hommes solitaires, d’âge moyen et homosexuels de Melbourne : Perry, un traducteur bien instruit d’héritage grec, et Ivan, un paysagiste dont les parents ont immigré de Serbie.
Tous deux sont entre deux relations et sont toujours coincés dans le passé. Ivan, qui était marié, a une fille adulte et un bébé. Il est marqué par l’effondrement désordonné d’une liaison avec un homme plus jeune.
Et Perry, qui a vécu 20 ans en Europe, n’arrive pas à se remettre de son ancien amant, Gérard, un Français marié et caché qui l’a largué.
Nous rencontrons ces deux hommes vulnérables lors de leur premier rendez-vous, organisé via une application, dans un restaurant, où ils se regardent, ont des conversations gênantes et boivent trop.
C’est le portrait finement harmonisé de deux personnes blessées qui tentent d’évaluer leur potentiel. Mais il y a un signal d’alarme lorsque Perry voit « un éclair de rage brûlante » dans les yeux d’Ivan.
Néanmoins, la luxure prévaut et une relation s’ensuit, faisant intervenir d’autres personnages, dont l’ex-épouse d’Ivan – une caricature – et leur fille. Ils manquent de substance et s’envolent rapidement.
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Un autre personnage n’est jamais vu mais se cache constamment dans la mémoire d’Ivan. C’est Joe, son ancien amant, la source de sa rage effrayante et non résolue.
Le livre, divisé en cinq sections, comporte des décalages temporels. Ainsi, malgré des débuts difficiles, Perry et Ivan se transforment d’une manière ou d’une autre en un couple provisoire, vivant toujours séparément. Ils sont sur le point de changer. Perry a envie de retourner en Europe, tandis qu’il manque quelque chose à Ivan, qui est secrètement accro au porno en ligne, que nous devons partager. Il brûle toujours de « honte », un mot répandu dans les œuvres de Tsiolkas.
Un aperçu bienvenu du monde extérieur est introduit sous la forme d’un dîner et de nouveaux personnages : deux des plus vieux amis de Perry – un couple de lesbiennes – et un couple hétérosexuel.
Mais ces convives semblent être des « types » unidimensionnels, dépourvus de dynamisme. À part Ivan, travailleur de la terre, ce sont tous des universitaires qui discutent de l’état de l’Australie comme s’ils cochaient des cases : racisme, changement climatique, politique, misogynie, homophobie.
L’inévitable querelle, aussi ennuyeuse soit-elle, conduit Perry et Ivan à la décision de faire preuve d’unité et d’emménager ensemble. À quelle heure, peu importe.
Le chapitre suivant, décrivant de manière graphique la dernière séance d’Ivan avec « Troy », un jeune prostitué dont il utilise les services depuis un certain temps, représente une trahison fondamentale de Perry.
C’est une section épuisante. Parce qu’Ivan paie pour le corps de Troy, il se sent en droit de l’utiliser à sa guise. C’est un gâchis d’écriture surchauffée qui a nécessité la main d’un éditeur sévère.
Ivan parle-t-il jamais de « Troy » à Perry ? Tsiolkas ne nous le dit pas, conduisant plutôt le lecteur secoué vers la dernière section, qui se déroule dans une Athènes puante. De manière rafraîchissante, cet épisode est raconté du point de vue de Lēna, une femme gay qui est la fille de Gerard, l’ancien amant de Perry.
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Gérard est décédé et Perry et Ivan se sont rendus en Grèce pour aider Lēna à disperser ses cendres. Cet adieu – qui comprend une longue lettre, jamais postée, de Gérard à Perry, désormais appelé Périclès – se déroule dans l’enceinte du temple de Poséidon, près d’Athènes.
C’est un décor si ancien et si beau qu’Ivan est ému jusqu’aux larmes, exulté à la vue des ruines dessinées par le soleil.
Lēna, dans un état de chagrin exacerbé, partage son émerveillement jusqu’à ce que soudain elle entende un déclic. « Quelqu’un derrière eux, un touriste, a photographié la vue avec son téléphone. »
Cette touche d’humour ironique est trop rare dans L’entre-deux. Il y a aussi de la douceur, enfin. Alors que Lēna regarde Ivan et Perry ensemble, elle se rend compte que ces deux hommes, fatigués par l’âge et l’émotion, sont fondamentalement de bonnes personnes.
« Elle se demande si la gentillesse est une qualité qu’on peut cultiver à tout moment, ou si elle ne trouve sa véritable expression qu’avec l’âge ? C’est une bonne question. Mais entre les différentes étapes de leur relation, il y a beaucoup de vides et Tsiolkas n’a pas offert suffisamment d’offres pour nous permettre de trouver une solution par nous-mêmes.